Un régime parlementaire pour la Tunisie

La Tunisie n’est pas un petit pays, contrairement à ce que répètent certains observateurs, y compris tunisiens. La Tunisie, avec 10,5 millions d’habitants, est aussi peuplée que la Grèce ou le Portugal. Elle les dépasse en superficie, avec 160.600 km², soit deux fois  la superficie de l’Autriche ou de la Serbie.

Ce pays, pas si petit que cela finalement, a besoin d’un nouveau système politique qui puisse conjuguer les aspirations de sa population dans sa diversité géographique, sociale et même culturelle.

Mais voilà, une partie de l’opinion publique tunisienne se cherche un homme providentiel, un leader. Il n’y a qu’à voir ces nouveaux héros des réseaux sociaux : une interview bien menée ou des actes de bravoure et voilà les protagonistes propulsés au rang de présidentiables. D’autres, dont certains sérieux, ne se sont pas fait prier et se sont déclarés candidats, avant même que la Tunisie finisse de pleurer ses martyrs. Ça en dit long sur ce que plusieurs partis porteront comme projet auprès de la Commission supérieure pour la réforme politique. A croire que même l’opposition a une culture « ancien régime ».

Pourtant, la période que traverse la Tunisie est propice à un changement de logiciel politique. Construire des institutions fortes et rompre avec la culture du Chef (الزعيم). Pour moi, seul un régime parlementaire monocaméral (une seule chambre) avec une élection à la proportionnelle pourra garantir une vraie transition vers une démocratie moderne. Ce régime implique aussi le transfert des pouvoirs exécutifs vers le Premier ministre, élu par le Parlement, et transformer la présidence en un poste quasi-honorifique de représentation.


Les détracteurs de ce type régime ont deux arguments récurrents pour le contrer:
  • Cela rend le pays ingouvernable, il faut un exécutif fort pour diriger le pays.
Comme si un Parlement fort ne pouvait l’être qu’au détriment du gouvernement, plusieurs démocraties parlementaires ont un gouvernement stable : Royaume-Uni, Espagne, Malte...

  • Cela aboutit à un marchandage entre partis politiques.
Et alors ? Chaque parti aura alors le poids que lui auront accordé les électeurs, c’est légitime que les parlementaires essaient de dégager une majorité autour d’un projet. La construction d’un consensus, je dis bien consensus et pas unanimité, est le meilleur moyen pour une pratique pacifiée de la politique.

Aucun système n’est parfait, mais le régime parlementaire semble celui qui peut le mieux correspondre au nouveau paysage politique tunisien, où aucun parti ne paraît dominer la scène politique, sauf peut-être le RCD qui survivra sûrement, sous une forme ou une autre (mais ça, c’est une autre histoire).

Le choix du type de scrutin est aussi essentiel. Un scrutin a la proportionnelle par liste serait l’idéal. Cela pourra permettre un renouvellement fréquent de la classe politique et d’en dégager une « élite » diversifiée. Il faudra bien sûr préciser les mécanismes du scrutin avec un découpage par gouvernorat et une obligation de parité homme/femme. Pour corriger les travers de la proportionnelle, il faudrait aussi un score plancher, pour éviter l’émiettement des élus et de multiplier les minorités de blocage.

Autant d’éléments que les travaux de la commission présidée par Yadh Ben Achour devront trancher pour poser les bases d’une nouvelle démocratie. Faut-il encore qu’une partie de l’opposition consultée veuille défendre ce type de changement…


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